Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le journal d'Erasme

Les Français mal associés à la relance européenne

7 Mai 2018, 09:20am

Publié par Jean-Guy Giraud

L’élection du Président Macron a notamment confirmé son hypothèse (son pari ?) selon laquelle il existait, en France, une “majorité silencieuse” favorable, dans l’ensemble, au projet européen. Mais il avait aussi diagnostiqué le besoin d’une meilleure information du public sur la façon dont l’UE mettait en oeuvre ce projet - et la nécessité de rendre plus visible et plus proche de l’opinion l’action du gouvernement français au sein de l’UE. Sur deux points au moins, il semble que cette information et ce rapprochement laissent encore à désirer : 
Sur les consultations (ex-conventions) européennes
la conception même de l’exercice est contestable : il ressemble plus à une sorte de sondage d’opinion improvisé, amateur et de caractère général qu’à une tentative d’information, d’explication voire de justification à grande échelle des politiques européennes,
le processus mis en place apparaît très sous-dimensionné tant du point de vue du nombre des personnes impliquées que des manifestations organisées qui demeurent en nombre très limitées, leur couverture géographique très inégale et leur assistance plutôt parsemée : https://www.touteleurope.eu/consultations-citoyennes/actualites-des-consultations/actu.html
la société civile organisée (et notamment les associations à caractère européen) est insuffisamment impliquée,
aucune personnalité médiatique n’a été chargée de promouvoir cette opération au niveau national et notamment sur les chaines audio-visuelles. Résultat : ces consultations demeurent largement ignorées du public dans son ensemble,
la crainte de voir cet exercice qualifié de manoeuvre politique (pré-électorale) explique sans doute - sans la justifier - l’attitude de "profil bas" délibérément adoptée par les organisateurs,
- au total, un exercice assez similaire aux deux ou trois précédents des années 90 et 2000 dont les résultats furent unanimement jugés modestes. 
Sur la gestion - et l’explication - de la politique européenne de la France  
très peu de changements ont été opérés par rapport aux circuits et usages précédents : cette politique demeure du ressort exclusif du Président et de son entourage immédiat ; le binôme Elysée/ Représentation permanente en conserve le contrôle exclusif et confidentiel ; en dépit de son appellation, le "Ministère de l’Europe et des affaires étrangères” reste largement exclu de la conception et de la gestion de la politique européenne du pays ; le sous-ministère des “Affaires européennes conserve le rôle très marginal et très effacé de ses prédécesseurs,
aucune personnalité médiatique - en dehors du Président lui-même à intervalles très espacés - ne joue le rôle d’un "Monsieur/Madame Europe” en contact direct et permanent avec l’opinion. 
 - au total, le public demeure très mal informé des positions prises par la France "à Bruxelles" - ainsi d’ailleurs que des décisions prises "par Bruxelles”.
Tout ceci indique que cet exercice civique (en lui-même légitime et justifié) de préparation aux élections européennes risque de n’avoir qu’un impact très limité. L’objectif affiché d’information, d’explication et de sensibilisation de l’opinion ne sera sans doute que très partiellement atteint. Ainsi sous-qualibrée, la lutte contre l’abstention et la désinformation des électeurs n’aura qu’un effet très marginal sur le scrutin. Scrutin qui, au vu d’une certaine dégradation du climat politique et social du pays, risque de s'avérer plus propice que prévu à l’opposition euro-sceptique.
NB : Au vu de l’actualité de la critique “anti-élite” dans la presse et l’opinion, nous reprenons ci-dessous une précédente note sur “le renouvellement de la classe politique”
FRANCE : VERS UN RENOUVELLEMENT DE LA CLASSE POLITIQUE ? (07/05/17)
L'hypothèse de l'élection d'un Président de type nouveau, apportant des idées nouvelles, appuyé sur un nouveau "parti" politique et bénéficiant d'un nouveau consensus au sein de l'opinion, ouvre la porte à bien des espoirs pour la France. 
Cependant, pour que toutes ces promesses se réalisent et pour ne pas affaiblir, dès le départ, la crédibilité du projet, il faudrait se garder de laisser se perpétuer ou se développer, dans le recrutement des nouveaux dirigeants certaines pratiques - bien connues et documentées - qui ont contribué à affaiblir la confiance et l'estime des "gens" vis à vis du "pouvoir", et, plus concrètement, à l'égard de la "classe" des responsables politiques. 
Pour faire bref et clair, ces pratiques peuvent être présentées sous la forme et la terminologie critiques souvent utilisées, parfois avec quelque exagération et caricature : 
l'"élitisme" : les responsables politiques ne devraient plus être considérés - ni se considérer - comme une classe à part de "sachants" disposant du monopole de la connaissance, de la compétence et donc du pouvoir. Une "élite" - même "républicaine" - devrait demeurer au service et à l'écoute du peuple dont elle tire sa seule légitimité.
- "le corporatisme" : il n'est pas sain ni justifié que les dirigeants émanent quasi exclusivement d'un très petit nombre de "corps" - soient formés dans les mêmes écoles et s'estiment destinés, par nature, à monopoliser d'office - parfois de droit - les places les plus élevées. La sélection des dirigeants devrait  être plus ouverte et laisser plus de place à l'expérience et à la diversité des formations. 
le "parisianisme" : si le pouvoir s'exerce naturellement à partir de la capitale, le recrutement des responsables au sein d'un milieu principalement parisien (au sens géographique et sociologique du terme), aboutit à créer un climat - ou en tout cas une impression - d'"entre soi" et de complicité sociale qui les éloigne du "reste" de l'opinion et du pays. 
- "la perméabilité" entre les dirigeants des secteurs public et privé : la pratique croissante de poursuite de carrières réservées, rapides et successives aux sommets de l'administration puis du pouvoir politique et enfin des grandes entreprises pose d'évidents problèmes qui vont bien au delà des simples risques de conflits d'intérêt.
Dans un autre registre, serait également à éviter, dans le recrutement de nouveaux responsables politiques, la prise en compte déterminante et systématique d'autres critères tels que l'âge ou le sexe. Si le milieu politique pourrait bénéficier d'un certain rajeunissement et féminisation, l'imposition de "quotas" artificiels - communément qualifiée de "jeunisme" ou de "féminisme"- ne serait pas en soi un critère d'efficacité.
Si elle se concrétise, l'élection d'Emmanuel Macron serait l'occasion d'un renouvellement annoncé de la classe politique française - au service d'un projet qui se veut novateur. Il est donc essentiel de ne pas donner l'impression qu'il s'agit d'une simple redistribution des cartes au sein d'un même groupe social - comme ce fut trop souvent le cas dans le passé. Le nouveau Président - bien que lui même en partie issu de ce milieu et de ce circuit - devrait donc s'en garder autant que possible. L'apparence, la réalité et l'effectivité du "changement" promis est à ce prix.
Il faut bien réaliser et tenir compte du fait que le vote des français du 30 avril a pu être légitimement interprété comme l'expression d'un rejet - ou du moins d'une défiance profonde - des citoyens vis à vis de leur classe dirigeante, toutes tendances politiques confondues. Ce signal - déjà largement émis dans les sondages depuis de nombreuses années - ne devrait pas être négligé. Il est même, sans doute, une des conditions de la réussite hautement souhaitable des nouveaux projet et programme présidentiels. / Jean-Guy Giraud   07 - 05 - 2017
 
RÉFORME/RELANCE EUROPÉENNES SELON EMMANUEL MACRON : SUGGESTIONS POUR UN MODE D'EMPLOI. (03/04/17)
Dans 4 jours, l'hypothèse de l'élection d'Emmanuel Macron pourrait être confirmée et le nouveau Président devrait - notamment - préparer la mise en oeuvre progressive de ses propositions en matière européenneOn a ici (voir ci-dessous) tenté d'esquisser ce que pourraient être les toutes premières mesures symboliques - les "marqueurs précoces" - prises par le Président, notamment vis à vis de l'Allemagne. Plus généralement, on peut - à la lumière de l'expérience et sans entrer dans le détail des politiques communes - essayer de poser quelques principes de caractère général susceptibles de guider la nouvelle politique européenne de la France. 
Réforme et relance plutôt que "refondation"
EM envisage, dans son programme, de "refonder l'UE". Peut-être serait-il plus prudent de parler de réforme et de relance - sans donner l'impression de remettre en question les fondamentaux de la construction communautaire. Il serait d'autre part utile de bien distinguer l'objet de cette réforme : s'agit-il en priorité de réparer la machine (les Traités, les Institutions et les politiques) ou de se préoccuper de la direction  de cette machine par ses conducteurs - en l'occurrence les États ? De même, serait-il réaliste d'envisager qu'un seul de ces conducteurs - en l'occurrence la France - puisse isolément changer ou même influencer sensiblement son cap ou son rythme ? 
Renouer des liens
Le premier objectif pourrait donc être, pour la France, de rétablir des liens aussi étroits que possible de confiance et de coopération avec les Institutions et notamment avec la Commission et le Parlement européen. Il serait tout autant nécessaire de rallier à ses objectifs de réforme les principaux États membres "de bonne volonté " et en particulier les États fondateurs (Allemagne, Italie, Bénélux) ainsi que l'Espagne. D'autre part, de par son poids et sa position spécifiques au sein de l'UE, la France est en mesure de coaliser "une majorité de progrès" incorporant aussi plusieurs des nouveaux États du Sud et de l'Est de l'Union. Notons au passage que l'influence de la France sera proportionnelle aux efforts de réforme structurelle interne qu'elle s'imposera à elle même, notamment dans les domaines économique et budgétaire. 
Reconquérir l'opinion
Le deuxième objectif pourrait être de réconcilier l'opinion nationale avec l'Europe. Cela exigerait d'abord de désserrer l'étau dans lequel les adversaires de l'UE sont parvenus à l'étreindre : celui de l'amalgame entre UE et "ravages de la mondialisation incontrôlée" ou "libéralisme sauvage" - celui de la confusion entre Bruxelles et les "élites accapareuses et corrompues". Cela nécessiterait de gros et constants efforts d'éducation, d'explication, de justification et de communication, trop longtemps négligés. Il faudrait aussi faire en sorte que ces efforts soient relayés sur le terrain, non seulement par les medias mais aussi par les milieux associatifs dont l'action devrait être, avec l'aide publique, renforcée, réorganisée et regroupée. Par ailleurs, on peut faire confiance à EM pour s'abstenir, à l'issue des Conseils européens, de rejeter systématiquement sur "Bruxelles" l'entière responsabilité d'éventuels échecs ou atermoiements du collège - et pour inviter ses ministres à faire de même.   
Enrichir le processus décisionnel 
On peut aussi se risquer à quelques observations plus prosaïques sur l'amélioration des rouages de la politique européenne de la France. Notre système constitutionnel confie de facto au Président la conduite des "affaires étrangères". En matière européenne, le processus décisionnel est souvent limité au binôme Élysée/Représentation permanente. Au niveau ministériel, le Quai d'Orsay demeure en principe le responsable des affaires européennes. Ne devrait on pas reconsidérer la suggestion - fréquemment évoquée - de créer un Ministère des Affaires Européennes de plein exercice répondant directement au Président et au Premier ministre ? Ne serait-il pas également utile de formaliser, auprès du Président, un Groupe de conseillers en matière européenne, composé notamment d'anciens commissaires et juges européens ainsi que de membres du Parlement européen (anciens et en fonction) ?      
Renforcer le Parlement européen
Une autre réforme interne à relativement court terme devrait aussi être préparée concernant la prochaine élection du Parlement européen (Mai 2019). On sait que, globalement, les précédentes élections ont pu être qualifiées d'échecs relatifs, tant sur le plan de la participation électorale que ceux de la nature et de la place de la représentation française au sein d'une Institution qui joue à présent un rôle majeur dans le fonctionnement de l'UE. Là aussi, les pistes de réformes possibles - trop longtemps reportées - sont nombreuses, documentées et relativement simples. D'autre part, EM semble avoir accepté la procédure de pré-désignation du Président de la Commission par les partis politiques européens en fonction du résultat de l'élection du PE : ce système semble avoir bien fonctionné et devrait être maintenu. De même, EM aurait accepté de "remplacer" les 72 MPE britanniques par des MPE élus sur des "listes européennes" : l'affaire est complexe mais mériterait d'être prestement mise au point avant l'élection de 2019.
Des "conventions" sur la réforme/relance de l'UE ? 
On connait la proposition d'EM relative à l'organisation - dès 2017 -  d'un "débat démocratique au niveau européen sur le contenu de l'action de l'Union". Ce débat prendrait la forme de "conventions" nationales dont le résultat serait soumis au gouvernements qui en feraient un "projet commun pour l'Europe" - lequel serait soumis à referendums nationaux. Excellente dans son principe, cette proposition pourrait être approfondie en tenant compte de différents éléments. Il serait préférable de préciser/concrétiser l'objet des débats nationaux en les articulant sur quelques thèmes concrets et communs - de manière à éviter qu'ils ne dégénèrent en de stériles discussions de caractère idéologique. Il serait utile d'insérer dans le processus la "Convention européenne" - prévue par les Traités (Art. 48 TUE) afin d'éviter que les seuls gouvernements ne monopolisent (ou ne paralysent) la décision finale. Enfin, on sait - au vu des expériences passées - que l'outil du referendum (même au niveau européen) doit être manipulé avec une extrême précaution afin de ne pas être détourné de son objectif initial. Au total donc, la réflexion doit être (rapidement) poursuivie sur ce sujet, en concertation avec les Institutions (et notamment le Parlement européen). 
En conclusion, nous relèverons à nouveau ici que les propositions d'EM sur l'Europe (1) sont à la fois constructives et novatrices. Le risque principal serait qu'elles retombent - comme trop souvent dans le passé - dans le profond fossé des projets jugés trop audacieux ou irréalistes et constamment renvoyés au "long terme reconductible' - fossé dans lequel l'entreprise européenne elle-même menace constamment de verser. / Jean-Guy Giraud  03 - 04 - 2017
Commenter cet article