En attendant un hypothétique "Privacy shield"
Comme il était prévisible, le "Groupe 29" des CNIL européennes vient d'exprimer de nettes réserves sur le nouveau projet d'accord UE/USA ("Privacy Shield") - censé remplacer l'accord précédent ("Safe Harbour") invalidé par la CJE.
Au delà des détails juridiques et des péripéties de cette affaire, ce qui apparait de plus en plus clairement est une incompatibilité fondamentale entre les conceptions européenne et américaine de protection des données personnelles - notamment lorsque des questions de sécurité nationale sont en jeu.
Depuis les attentats du 11 novembre 2001, les USA se sont dotés d'un arsenal technique et juridique qui consacre une priorité absolue des prérogatives de l'administration sur l'accès à ces données - priorité qui, par principe, l'emporte sur toute considération relative aux droits individuels.
Dans l'état actuel des principes et du droit européens, il ne semble pas possible de concilier ces deux conceptions et donc de parvenir à un accord sur le projet "Privacy Shield". Il n'est d'ailleurs pas certain que celui-ci soit véritablement nécessaire dans la mesure où les services américains semblent - de facto - d'ores et déjà en mesure de consulter unilatéralement la plupart des bases de données européennes ...
Cette situation transatlantique de non-droit risque donc de s'éterniser, du moins jusqu'au moment où les USA pourraient éventuellement - sous une prochaine administration et sous la pression de leur propre opinion publique - revenir à une conception de la protection des données personnelles plus favorable aux droits individuels.
Plutôt que de s'aligner officiellement et dans l'urgence sur le système américain actuel par la voie d'un accord contestable et fragile (1), l'UE pourrait donc se résoudre à accepter encore quelque temps cette cote mal taillée dans l'espoir d'un rapprochement ultérieur des positions des deux parties. Dans l'intervalle, un accord politique de type "memorandum of understanding" pourrait prendre acte des divergences actuelles tout en confirmant la volonté réciproque de coopération ...
(1) il est probable qu'un accord du type "Privacy Shield" serait à nouveau porté devant la CJE et susceptible d'être annulé à son tour.
http://regards-citoyens-europe.over-blog.com/2016/02/unsafe-harbor-suite-3.html