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Le journal d'Erasme

Retour sur images : Penser 'global' avant d'agir ! Et redonner du sens à l'existence ! Tel est le véritable enjeu de la sécurité en France !

11 Septembre 2018, 15:34pm

Publié par Patrice Cardot

"Pour chaque fin il y a toujours un nouveau départ.. » (Saint Exupéry)

Au moment où se développent et se poursuivent, à en perdre haleine, ici et là, de grands débats, notamment en France, sur les nouvelles mesures à mettre en œuvre pour prévenir, dissuader et, plus largement, lutter et se protéger contre le terrorisme sous toutes ses formes, il n’est sans doute pas inutile de poser un certain nombre de constats qui semblent parfois échapper aux analyses.

Si les circonstances nous commandent de ne pas céder au pessimisme de la raison mais bien au contraire de donner force à un optimisme de la volonté, elles nous commandent aussi à ne refuser de succomber à la tentation d’une réponse superficielle, qui ne reposerait sur aucune véritable analyse ‘ethnologique’ du problème qui est posé, sous l’effet de cette dictature de l’horreur, de l’émotion, de l’inquiétude qui conduit trop souvent le personnel politique en responsabilité à prendre des mesures, dans l’urgence, de nature allopathique ou chirurgical (supprimer les symptômes) sans avoir préalablement exploré les racines profondes du mal.

Sans prétendre épuiser en aucune manière cette analyse, je m’inscris dans le débat en apportant un éclairage rarement exposé par celles et ceux qui se présentent comme experts dans les médias pour traiter de ce sujet fondamental autant pour l’avenir de la démocratie libérale que pour celui de l’économie sociale de marché auxquelles les élites comme les peuples d’Europe semblent encore attachés …

L’idée maitresse de ce message consiste à imputer à l’orientation  néolibérale-néolibertaire des sociétés occidentales le choix délibéré de ne traiter les questions d’insécurité qu’au travers de corps de doctrine, de politiques et d’instruments à visée quasi uniquement corrective et répressive, et à inviter à ouvrir publiquement, au niveau national comme au niveau européen, un vaste débat de fond sur les fondements de la relation de l’ordre civilsationnel que nos sociétés et peuples d’Europe veulent entretenir entre l’économie et la politique (c'est-à-dire la vie de la cité).

Car l’enjeu politique et démocratique fondamental de ce débat réside indubitablement dans le refus de sacrifier sur l’autel d’un ‘sécuritarisme jusqu’au-boutiste’, les valeurs – qu’elles soient universelles ou non -, les principes et les droits fondamentaux, qui sont au cœur du contrat social qui unit une Nation, et confèrent à la démocratie libérale – et la République, s’agissant notamment de la France – mais également à l’économie sociale de marché les vertus que les Peuples d’Europe leur prêtent aujourd’hui.

Osons dire les choses telles que nous les vivons et ressentons tous.

Le capitalisme spéculatif, dernier avatar du capitalisme, en accordant au risque et, partant, à l’insécurité, le quasi monopole de la performance économique et financière, à la faveur d’une conception ultralibérale dont les ressorts puisent leur essence spéculative à la fois dans l’absence de règles contraignantes et d’arbitres neutres dans des jeux à somme positive pour de moins de moins en moins d’acteurs (le trop célèbre 1%), à somme nulle pour les économies nationales dont les taux de croissance sont de l’ordre de ceux de l’inflation, et de plus en plus souvent à somme négative pour les petits épargnants, les salariés et les individus en situation de précarité ou d’exclusion (l’Union européenne en comptabilisant d’ores et déjà près d’un quart de sa population globale), et dans un recours préférentiel aux stratégies ‘non coopératives’ (« concurrence libre et non faussée »), a participé au cours des 30 dernières années du XXème siècle à modifier radicalement non seulement l’approche sociétale du risque, et partant, de l’insécurité qui y est attachée, mais également, celle visant à le circonscrire, y compris dans le cadre régalien.

Des espaces de ‘jeux spéculatifs’ non régulés se sont développés avec leur cortège d’instruments dédiés à une spéculation par le risque et l’opacité (produits dérivés, ‘trading à haute fréquence’, titrisation de produits toxiques, paradis fiscaux, hedges funds, etc).

La priorité n’était plus de prévenir tout risque ou de dissuader d’en courir, mais au contraire, de le rendre actif, d’inciter à y recourir, dès lors qu’il devenait prévisible, détectable/mesurable, ‘bankable’ et manipulable à souhait pour optimiser les gains à en espérer, en se fixant pour seule limite de ne pas avoir à en subir trop d’effets néfastes en cas de mauvaise appréciation de la situation et/ou de mauvaise gestion ; ainsi est née une nouvelle économie du risque et de l’insécurité dont la dynamique motrice réside à la fois dans la prise de risque et dans la couverture du risque pris par la garantie, par l’assurance et la réassurance (sous des formes très variées).

Qu'elle soit appréhendée dans sa modalité la plus stratégique, la plus globale, ou dans sa modalité économique, financière, environnementale, régionale ou locale, sociale, sanitaire, alimentaire, sociale, civile ou juridique, l'insécurité ‘source de profits’ prospérait jusqu’ici d'autant mieux qu'elle emportait avec elle son cortège de revendications en termes de garanties supplémentaires pour s'en prémunir (les ‘CDS’ constituant à cet égard à un exemple emblématique) (cf. notamment à cet égard http://regards-citoyens-europe.over-blog.com/2014/04/de-l-economie-de-l-insecurite.html)

La vie était belle et douce au royaume de la spéculation, légale ou illégale (cf. à cet égard  'Les paradis fiscaux : entre évasion fiscale, contournement des règles et inégalités mondiales' (L'Economie politique - n°42 - Avril 2009) ainsi que L'enjeu des politiques de prix de transfert ... et ceux de leurs contournements - nouvelle édition - )

Simultanément, mais pas sans un lien systémique évident, une culture de la ‘gestion corrective du risque et de l’insécurité’ s’est ainsi peu à peu développée dans les doctrines de sécurité publiques et privées, qui s’est traduite par la levée de dispositions contraignantes formelles (de nature législative, réglementaire, juridique, fiscale, etc.) et de barrières psychologiques, au détriment de celle privilégiant la construction d’une sécurité par une gestion préventive du risque et des facteurs d’insécurité, les coûts associés (structurels, financiers, sociétaux, …) étant bien supérieurs dans le second cas.

Mais plusieurs crises financières et économiques - de nature systémique, ce qui signifie ‘ayant des impacts automatiques ailleurs et autrement que là où elles se sont produites’ - sont intervenues peu de temps après celles, tout aussi systémiques, mais d’une toute autre nature, tantôt ‘politique et idéologique’ (effondrement de l’URSS et de son modèle), tantôt sécuritaire (attentats du 11 septembre 2001), qui ont participé à bouleverser la situation géostratégique et économique mondiale dans le contexte nouveau créé par la globalisation stratégique à l’œuvre depuis la fin des années 80. Leurs conséquences, considérables, n’ont probablement pas encore été toutes évaluées à leur juste mesure.

Parmi elles, la principale sans doute réside dans le fait que la confiance, sans laquelle aucune économie libérale ni aucune démocratie libérale ne saurait produire ses effets escomptés, a progressivement fini par abandonner les esprits, les cœurs, … autant sur le registre économique et social que sur le registre politique.

Sur une très grande partie du territoire européen, les investissements stagnent, la dette souveraine prospère, la déflation s’installe, la décroissance économique s’amorce, les taux d’abstention lors des échéances électorales ne cessent de croître, comme le taux de chômage, la précarité et l’exclusion.

Rien n’y a fait, malgré de nombreuses tentatives de sauvetage (par recours à des mécanismes de solidarité et de gouvernance - naissance du G20, intégrations régionales (par exemple, sur le modèle de l’Eurozone ou celui, différent, des BRICS) -, par déplacement des problèmes posés par le surendettement privé des banques vers le secteur public, par recours à des alliances militaires, etc.).

Un échec patent est là, devant nous !

En même temps qu’une prise de conscience semble s’opérer !

En France, le besoin de repenser sur de nouvelles bases la sécurité est apparu à la fin des années 90 et s’est concrétisé dans l’apparition d’un concept de ‘sécurité nationale’ englobant toutes la quasi-totalité des dimensions de la sécurité sur le plan national.

« La stratégie de sécurité nationale organise et met en œuvre les moyens de prévenir toute atteinte à la vie du pays, à défaut de limiter une telle atteinte au plus bas niveau de gravité possible, et d’en atténuer les conséquences. Elle a pour ambition d’élever la capacité d’anticipation, de réaction et de résilience du pays. Elle fonde une doctrine nationale destinée à harmoniser en toutes circonstances l’emploi des ressources de l’État et à favoriser le dialogue et la cohérence de l’ensemble des intervenants : collectivités locales, entreprises, institutions internationales, organisations non gouvernementales. »

Au travers cette évolution sont redécouvertes – et énoncées - les vertus de l’anticipation, de la connaissance, et de la prévention et de la dissuasion, aux côtés, en interrelation et en appui de l’intervention et de la protection.

Deux Livres blancs sur la sécurité nationale et la défense les ont même érigées en fonctions stratégiques de la sécurité nationale (cf. le Livre blanc de 2013 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000257/0000.pdf), à défaut d’en décliner tous les ressorts et déterminants dans un code de sécurité nationale toujours absent du corpus de droit national qui viendrait à se substituer au code dédié uniquement aujourd’hui à la défense nationale.

Anticiper et connaître :

La fonction connaissance et anticipation a une importance particulière parce qu’une capacité d’appréciation autonome des situations est la condition  de décisions libres et souveraines. Cette fonction recouvre notamment le  renseignement et la prospective. Elle permet l’anticipation stratégique qui  éclaire l’action. Elle est également une condition de l’efficacité opérationnelle des forces et contribue à l’économie des moyens que celles-ci utilisent pour remplir leurs missions. Elle permet de s’engager en toute connaissance de cause dans des actions qui sont de plus en plus coordonnées, voire menées en commun. Allant de la collecte de l’information à la préparation éclairée de la décision politique et opérationnelle, une bonne connaissance de l’environnement stratégique et tactique est indispensable à la prévention des risques et des menaces comme à leur neutralisation lorsque la prévention a échoué.

Le renseignement joue un rôle central dans la fonction connaissance et anticipation. Il irrigue chacune des autres fonctions stratégiques de la défense et de la sécurité nationale. Il doit servir autant à la prise de décision politique et stratégique qu’à la planification et à la conduite des opérations au niveau tactique.

Prévenir :

L’une des meilleures façons de garantir la sécurité face aux risques de conflit ou de crise est de prévenir leur avènement, en agissant au plus tôt sur leurs causes. La prévention requiert une capacité d’anticipation fondée sur une connaissance précise des risques et des menaces avant qu’ils ne se concrétisent. Les modalités de la prévention sont très variées qui vont de la résilience au coercitif (par la résilience, par la vigilance, par l’éducation, par la culture, par l’intégration, par la force du droit et la capacité préventive du régime de sanctions qui y est attaché, par la diplomatie, par un déni d’accès, par une protection appropriée des cibles potentielles, etc.)

Dissuader :

La dissuasion vise à faire renoncer un acteur potentiellement susceptible d’affecter la sécurité avant qu’il ne commette son acte. Les modalités de la dissuasion sont très variées (par l’affirmation de puissance, d’autorité, de volonté, de la capacité à agir, par la force du droit et la capacité dissuasive du régime de sanctions qui y est attaché, par la diplomatie, par un déni d’accès, par une intervention coercitive, par une protection appropriée des cibles potentielles, etc)

Il va sans dire, mais encore mieux en le disant, que chacune de ces trois fonctions stratégiques doit être impérativement activés dans chacune des trois missions assignées aux forces militaires, de sécurité et de renseignement par le dernier Livre blanc, à savoir : protéger le territoire national, dissuasion, intervention.

Les citoyens attendent de l’État qu’il soit en mesure de comprendre les évolutions nationales et internationales, de préparer et d’orienter les moyens de la défense et de la sécurité intérieure et, autant que nécessaire, d’aider la société française à s’y adapter. Les capacités correspondant à la fonction ‘connaissance et anticipation’ sont utiles à toutes les missions, tant des armées que du dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile. La prévention et la dissuasion doivent permettre, la première d’empêcher ou de limiter l’apparition de menaces ou de guerres susceptibles de viser la France directement ou par enchaînement, la seconde d’empêcher tout État, toute organisation ou tout individu de croire qu’il pourrait porter atteinte aux intérêts vitaux de la nation, aux intérêts de sécurité de l’Etat, à la sécurité des personnes et des biens publics et privés, sans s’exposer à des risques pour lui inacceptables.

Voici comment le Livre blanc de 2013 aborde cette question :

« Pour réaliser les objectifs fixés par notre stratégie, la protection, la dissuasion et l’intervention structurent l’action des forces de défense et de sécurité nationale. La protection reste première dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale. Elle ne saurait être assurée sans la capacité de dissuasion et d’intervention. La dissuasion nucléaire protège la France contre toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Elle écarte toute menace de chantage qui paralyserait sa liberté de décision et d’action. Les capacités d’intervention à l’extérieur du territoire national confèrent à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable. Elles confortent la crédibilité de notre dissuasion, et permettent au pays de défendre ses intérêts stratégiques et d’honorer ses alliances.

La protection, la dissuasion et l’intervention sont donc étroitement complémentaires. Elles supposent, pour être mises en œuvre, que nous soyons capables de connaître et d’anticiper les risques et les menaces qui pèsent sur nous, alors que des ruptures stratégiques sont toujours possibles. Elles supposent également que nous puissions prévenir au plus tôt les crises qui affectent notre environnement. »

L’heure elle venue de travailler collectivement au passage à l’acte, en recherchant les meilleures modalités possibles pour mieux connaître, anticiper, prévenir et dissuader en regard de ce que le contrat social qui lie la nation commande à tous.

Mais tout ce ceci ne produira pas les effets escomptés si, bien au-delà, la Société des Hommes poursuit sa fuite en avant vers un progrès sans âme, un avenir sans grand dessein, un horizon sans soleil ! 

"Quand nous saurons une bonne fois d'où nous venons et où nous allons, nous pourrons alors savoir où nous en sommes" (Pierre Dac)

La perte de sens des choses, la superficialité et le relativisme des esprits et la profonde désespérance des êtres sont les principales causes des dérives idéologiques qui favorisent les égarements les plus sinistres, les allégeances les plus funestes et les radicalisations les plus extrêmes et horrifiantes!

Laisser à des prédicateurs de quelque religion que ce soit le champ libre pour qu'ils apparaissent les seuls capables de redonner ce sens à la vie, laisser blesser les consciences d'autrui au nom d'une liberté d'expression qui confine davantage à une liberté de blesser, de stigmatiser, d'exclure, laisser s'exprimer des opinions qui dénient de facto tout droit réel à la liberté de conscience, à la différence, à l'élévation spirituelle par des voies et moyens que rien ni personne n'a légitimité à fixer, pas même les institutions d'une République laïque où la laïcité se lit et se pratique en droit et en fait avec une géométrie variable, s'opposeraient à tout progrès en profondeur sur le registre de la sécurité, autant que sur ceux, bien plus essentiels encore, de l'unité et de la cohésion nationales.

"Il faut donner un sens à la vie des hommes"

(Antoine de Saint Exupéry)

Les débats qui s’ouvrent doivent impérativement intégrer l’esprit sinon la lettre de cet appel, ne serait-ce qu’en vertu du principe de précaution que le législateur a posé comme un principe d’ordre constitutionnel !

La protection de la Nation n'en sera que mieux assurée, et son destin et son unité que mieux scellés !

« Nous ne craignons pas tant notre incompétence que notre puissance. C’est la luminosité de notre âme, et non ses ténèbres, qui nous effraie le plus. Nous nous demandons : “Pourquoi serais-je, moi, un être brillant, magnifique, talentueux, formidable ?”En réalité, pourquoi ne le seriez-vous pas ? Votre manque de grandeur ne sert pas le Monde. Il n’y a aucune noblesse à rester médiocre pour rassurer les autres. La grandeur n’est pas l’apanage de quelques élus, elle est présente en chacun de nous. Lorsque nous laissons notre âme répandre sa lumière, nous permettons inconsciemment aux autres de révéler la leur. Lorsque nous nous affranchissons de notre propre peur, notre présence libère automatiquement les autres.» Nelson  Mandela    (1918-2013)

Voir aussi : Les trois portes de la sagesse ! http://regards-citoyens-europe.over-blog.com/2015/01/les-trois-portes-de-la-sagesse.html

Cet article a été publié une première fois sur ce blog en novembre 2015.

 

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